« A quelques détails près… »

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Lu en quelques heures, j'ai été tout d'abord accrochée par le trait d'humour comme un fil rouge malgré ce que "vit" Morgan. Puis très vite j'ai eu envie de hurler parfois et de secouer Morgan avant de me rappeler qu'il n'a que 18 ans...

Le langage est cru mais juste dans le contexte, c'est haletant et on se demande quand ça va s'arrêter ! On est suspendu en tournant chaque page comme pour découvrir une loterie d’événements plus fous les uns que les autres. Le synopsis m'a intrigué, la suite m'a surprise et scotchée, à vous de le découvrir !

« Le nègre d’un mulâtre », ainsi parlait-on d’Auguste Maquet le « nègre » officiel d’un « sang mêlé » de noir et de bleu : Alexandre Dumas.

« A quelques détails près » étant le quinzième roman publié sous ce pseudo d’Alexis Hayden en huit ans, José-René me demandait si j’avais un « nègre » planqué sous mon bureau… Si j’osais, René, (blague !) je te répondrais que sous mon bureau, si c’était possible, je les préfèrerais plutôt blonds aux yeux bleus… Mais je n’oserais jamais !

Comme je te le disais sur Facebook, je crois que Pierre-Lionel Cayla et moi sommes le « nègre » l’un de l’autre, mais à distance… Pas question d’aller sous le bureau jouer les Auguste Maquet ou les Monica Lewinsky… : -)

Des « nègres », mais des « nègres » affranchis, têtus et obstinés, jamais d’accord sur rien, juste d’accord pour écrire ensemble… Va comprendre. En tout cas, cela donne des résultats puisque notre association de bien-faiseurs, chacun soutenant et stimulant l’autre, aura débouché sur la réalisation de six romans depuis 2014. Sans compter ce que, poussés par l’ardeur dans le bonheur d’écrire, nous avons produit chacun de notre côté.

Ainsi je me rattrape, dans la mesure où c’est possible, quoique j’en doute un peu, de tout ce que je n’ai pas écrit plus tôt. Je pourrais évoquer tant de raisons :

Si Bill Gates était né plus tôt…

Si j’avais eu un ordinateur avec traitement de texte plus tôt…

Si, si, si…

Surtout, si j’avais eu quelque chose à dire.  

Un ami me confiait : « Est-ce que tu as remarqué le nombre d’auteurs qui écrivent mais qui n’ont rien à dire ! ». Si j’avais écrit plus tôt, je pense que j’aurais fait partie de ceux-là, n’en déplaise à celles et ceux qui n’en sont pas convaincus.

Les projets que j’ai sous le coude, comme les romans déjà publiés, ne sont pas nés du hasard mais de sujets bien précis, et comme la liste s’allonge au fil des années et des discussions que avons les uns et les autres… Je crains n’en jamais voir la fin.

Le prochain roman, si le titre ne change pas d’ici sa parution, devrait être « Dernière chance ». J’espère que ce ne sera pas la mienne ! : -)    

15 romans publiés par Alexis Hayden – 2009 à 2017 

« A quelques détails près… » - Extrait  

Mon père se marre, puis, sans prévenir, se tourne vers celui qui ne moufte pas et cherche désespérément à lui annoncer la visite de son meilleur copain du ton le plus naturel dont il aimerait disposer s’il n’était pas coincé comme un doigt dans une porte. Genre celui qu’il emploierait pour le prévenir du passage du releveur de compteurs à gaz.

Mais je n’ai pas le temps de l’ouvrir, que déjà :

—      Et ton copain, comment ça va ?

Je regarde mon frère d’un sale œil. Il a cafté ou quoi ? Il s’en défend vite :

—      Je n’ai rien dit.

Je n’en ai aucune envie, mais au point où on en est, il faut y aller.

—      Il va bien… Ça tombe bien que tu me parles de lui, parce que je voulais te dire qu’il va venir demain soir. On a des trucs à vous dire.

Et Matéo qui continue son petit numéro :

—      Je ne suis pas un spécialiste, mais pour un fils de flic, je le trouve super sympa, Dylan.

Putain Matéo, tu vas la fermer ! Et mon père bien sûr de sauter sur l’occasion :

—      Tu n’es pas un spécialiste de quoi ?

—      Ben… Je veux dire… De ce côté-là, quoi…

—      Mais de quoi tu parles ?

Au petit sourire en coin de mon père, je comprends qu’il nous fait marcher. Et Matéo qui s’emberlificote dans son monologue foireux...

—      Ben… En fait, je voulais dire que…

Mais ça ne sort pas, il bogue, comme les premières versions de Windows.

—      Oui ? Tu voulais dire quoi ? Ça m’intéresse.

—      Que je n’y connais rien côté fils de flics et tout ça, quoi…

—      Surtout que son père est éditeur. C’est son beau-père qui est flic, que je la ramène.

—      Tu le savais ?, s’étonne mon père.

—      Tu me l’avais dit lors de la soirée Police. Il me l’a confirmé depuis.

Et Matéo, pourtant au bord du gouffre, qui ne lâche pas l’affaire :

—      Donc, en fait, s’il est beau, ce n’est pas grâce au flic. Non, parce que je voulais dire… Je n’y connais rien, mais il n’est pas laid, comme mec. Et super gentil, en plus…

—      Beau ? Pas laid ?, s’ébahit mon père. C’est quoi ce truc de maquignon, Matéo ? Tu fais dans le recrutement de mannequins pour Valentino ?

Là, je n’en peux plus. J’explose d’un rire nerveux :

—      Matéo, s’il te plaît, ferme-là !

Et mon père de soupirer :

—      Eh bien ! Me v’la bien, avec deux fils qui s’intéressent aux beaux mecs ! 

« A quelques détails près… » - Extrait

Avec mon copain, on s’était mis d’accord sur la version à donner de pourquoi nous nous fréquentions, le jour de la présentation officielle à ma famille. Nous avions tout prévu : son père est éditeur, moi futur auteur, son beau-père dans la police… Ça tenait la route. Et ils ont tout gobé. Enfin… C’est ce que j’ai cru, au début.

À peine était-il sorti de chez nous que mon frère déboulait dans ma chambre. Et il n’y est pas allé par quatre chemins :

—      C’est qui, ce mec ?

—      C’est un copain. Son beau-père est un pote de papa. Il est flic comme lui. Nous nous sommes rencontrés à la soirée de la police. Son père est éditeur et... 

—      Arrête ! Ne me prends pas pour un con. Il y a autre chose entre vous deux. Et ça, tu peux me croire, on l’a tous remarqué.

J’étais assis à mon bureau et j’ai commencé par lever les yeux au ciel, pour lui signifier qu’il fallait qu’il arrête de fumer le persil de maman. Mais ça n’a pas marché. Il n’est quand même pas une buse ! Je me suis pris la tête entre les mains et j’ai poussé un long soupir tout en cherchant comment lui présenter la chose. Je n’ai pas eu à le faire, Matéo m’a facilité la tâche :

—      Qu’est-ce qui se passe Morgan ? Ne me dis pas que t’es pédé !

Je me suis dressé de mon siège sous un effet ressort et lui ai fait face, quasi furieux.

—      Et quand bien même je serai homo, qu’est-ce que ça peut te foutre ? Tu vas cafter à papa pour qu’il m’inscrive à un stage de rééducation pour pédés, pour employer ton vocabulaire élégant ?

Il s’attendait sans doute à ce que je démente. Là, il est resté tout bête, comme s’il n’avait jamais envisagé cette possibilité. Puis, après deux secondes de réflexion, parce qu’il réfléchit toujours super vite, Matéo :

—      Sûrement pas ! Déjà, ça ne changerait rien entre nous ! Tu es mon frère et basta ! Mais quand même Morgan... Pas toi !

 J’ai haussé les épaules en signe d’impuissance. Il m’a pris dans ses bras en se marrant, puis m’a dit sur le même ton rigolard :

—      Putain, j’ai trop hâte de voir la tête des parents quand tu vas leur annoncer !

—      Merci de me rassurer.

—      Depuis quand tu le sais ?

—      Depuis longtemps. Mais avant, je n’étais jamais tombé amoureux. 

A quelques détails près... 

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« A quelques détails près… » - Extrait

Il fait nuit lorsqu’on me dépose à Evry. Faire du stop, déjà, c’est galère, mais la nuit, en plus… Ça craint. Avec le pot que j’ai, va savoir sur quoi je vais tomber ?… Vu ce qu’il m’arrive depuis que j’ai mis les pieds dans la gare de mon bled, inutile de jouer au loto en espérant empocher la cagnotte ! Mais bon... Encore quelques kilomètres et je serai à la maison. Plusieurs automobilistes ralentissent mais ne s’arrêtent pas. Ils doivent d’abord avoir un réflexe de bonté, puis se dire que la situation pue et appuyer sur le champignon pour s’en éloigner, comme on fuirait la porte des enfers. Enfin, une âme compatissante me prend à son bord. Mon histoire commence à être rodée. Quand je lui apprends que je n’ai pas une thune, il me répond, en me servant un gentil sourire :

—      Ce n’est pas grave. Tu sais, j’ai un fils d’à peu près ton âge et je n’aimerais pas qu’il traîne seul sur le bord de la route. À cette heure, on peut facilement faire de mauvaises rencontres. Allez, monte.

Il a un profil sympathique. Entre trente cinq et quarante ans, bien mis, genre cadre de banque, jeune chef de service à la CAF, à la Sécu ou professeur agrégé : respectable… Un mec que je qualifierai de « normal ». Il a tout de suite compris, sans vouloir en savoir davantage, que je traversais une mauvaise passe… 

Enfin un vrai cadeau du Ciel ! Ça me change… 

Sauf que, question Bon Samaritain... Au premier chemin forestier qu’il aperçoit, il s’y engouffre, s’enfonce sous les arbres et se gare à l’abri des regards, coupe le moteur de son auto et tous ses feux, nous rendant totalement indécelables et me mettant tout aussi totalement à sa merci.

J’ai dit que faire du stop la nuit, ça craint, eh bien !, je confirme : le mec dévoile ses intentions, moins nobles que celles de rendre service et que, depuis une demi-minute, j’avais devinées, en ouvrant largement sa braguette :

—      On peut s’arranger autrement, propose-t-il, avec un clin d’œil putassier… 

Hum... Une puissante envie de détaler comme un lapin me prend, of course. J’ai déjà une main sur la poignée de la portière quand il pose la sienne sur l’épaule la plus proche de lui et me parle avec obligeance, si je puis dire…

—      S’il te plaît, qu’il supplie. Un service en vaut un autre.

« S’il te plaît » ???? Aucun des mecs que j’ai sucés n’a jamais été aussi courtois ! Après tout, je ne suis plus à une bite près, et si c’est la dernière taxe à payer pour retrouver mon chez moi et ma vie d’ado sans histoires (ce qu’on peut se cacher de vérités sur soi-même, des fois, pour abuser sa conscience et porter convenablement le masque quotidien du mensonge sous le regard des autres, à commencer par ses proches !), pourquoi pas ? Malgré tout, par principe, je tente de négocier.

—      Vous savez… Je n’ai jamais fait ça.

Ce qui n’est pas entièrement faux : je ne l’ai jamais fait en forêt et la nuit dans une voiture tous feux éteints.

Mais ça ne le convainc pas de renoncer.

— T’inquiète, mon p’tit lapin. Tous ceux qui le font disent ça. Vas-y ! Je sais que tu en es capable. Mais moi d’abord.

Pendant que j’essaie de comprendre ce qu’il est en train de me dire, il a déjà la main sur ma braguette. Ça, ce n’était pas prévu dans les premiers articles de notre contrat oral. De toute façon, pas le temps d’en ajouter d’autres sur le tas, car il a recours à la méthode directe, déboutonnant mon pantalon sans barguigner, s’exclamant, ravi :

—      Eh ! Tu n’as même pas de caleçon ! Tu vois que tu n’es pas si débutant que ça. T’es un drôle, toi ! J’adore ! Mais je te préviens, moi non plus je n’ai pas d’argent.

Qu’est-ce qu’il s’imagine ? Que je suis une pute qui tapine toutes les nuits sur la nationale pour se payer sa dope ou un Perfecto ?

A quelques détails près... 

Lorsqu’en cours, il avait étudié « l’Holocauste », Morgan s’était souvent demandé comment tant de gens s’étaient laissé conduire vers la mort, sans révolte, docilement, sans rien dire.

A son tour, maintenant, il ne se révoltait plus. C’était docilement et sans rien dire qu’il cédait aux caprices de ses bourreaux. Les rares fois où il avait tenté de se révolter, il s’était pris de magistrales corrections. Ils avaient le don de frapper sans laisser de trace. Résigné, meurtri et en larmes, il finissait toujours à genoux... Et ce n’était pas pour la prière. 

A quelques détails près... 

Noooon ! Ça n’allait va pas recommencer ! C’était écrit sur son front ou quoi ?  

Y a-t-il une destiné ? Une fatalité ? Ce que nous sommes est-il écrit sur notre visage, dans notre démarche ou notre façon de parler ?    

A quelques détails près... 

A quelques détails près la vie de Morgan aurait été différente, si son père avait deviné plus tôt les outrages dont il était victime, ou s’il avait pris le train de 9h45 comme prévu...  

Et vous, que serait votre vie, si vous aviez fait d’autres choix, d'autres rencontres ?